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31 janvier 2022 1 31 /01 /janvier /2022 09:00
Avant de commencer cet article, je souhaite une bonne année 2022 à tous !  Puisse cette année nous permettre de nous libérer de la peur et retrouver foi en l'avenir, qu'elle nous apporte la joie de nous rapprocher des êtres qui nous sont chers, qu'elle nous procure la santé, tant mentale que physique.
Et maintenant, un peu de lecture ;-)
 
Charlotte est une jeune étudiante en panne dans sa vie. Elle s’est traînée au lycée et a passé son bac malgré l’overdose d’absurdité qui la rendait malheureuse comme les pierres.
Les confinements l’ont enfermée chez ses parents, obligée de suivre des cours en « distanciel ».
Peut-être était-ce la goutte de trop. Elle ne voit plus à quoi ça sert tout ça.
 
Ayant déjà travaillé avec elle par le passé, sa méthode de travail n’est plus en cause. Non, c’est vraiment la motivation. Pour utiliser le vocabulaire de mon « modèle Pacman » présenté en formation, c’est un cas de mutilation. En d’autres termes, la personne s’est coupée du sens pour ingérer des données. Il ne s’agit pas ici de mémoriser des choses qui n’ont pas encore de sens pour les comprendre plus tard. Il s’agit ici d’accepter d’ingurgiter des absurdités jusqu’à être dégoûtée de la vie.
Une façon de travailler est donc de trouver du sens aux épisodes de sa vie, aux données intégrées de façon brute, voire brutale.
Et pour Charlotte, voici une clef que j’ai trouvée qui pourrait être utile à d’autres.
Comme beaucoup de jeunes, Charlotte est sensible. La concurrence à tout prix, le mépris des valeurs humaines, tout cela la heurte profondément. Aussi je me hasarde à une explication.
Comment se fait-il que ces façons de pensée, et d’agir, brutales, aient pris le devant de la scène ?
Une conférence donnée par Emmanuel Todd au dialogue franco-russe en 2018 m’a ouvert tout un champ de réflexion. Par le passé Todd avait prédit l’effondrement de l’Union Soviétique à une époque où l’idée était risible, et cela tout simplement en regardant les courbes de natalité. En 2018, s’appuyant sur des faits, les données statistiques des naissances, des emprisonnements, des taux de suicide, etc., donc chiffres à l’appui, il énonce que la Russie va bien, que c’est un pays où la population s’épanouit, et qu’au contraire les États-Unis sont un pays où la population ressent un profond malaise. Déjà, cela surprend, car cela détonne par rapport aux discours ambiants des médias dominants.
À partir de ce constat dressé par Todd, poursuivons la réflexion. Après tout, quel conflit n’affecterait qu’un seul des pays impliqués ? Oui, l’idée est simple : un affrontement, quel qu’il soit, ne laisse aucune des parties indemnes. Quel est le rapport ? Eh bien, de 1947 à 1991, il y a une « guerre froide » entre les États-Unis d’Amérique et l’Union Soviétique. L’URSS s’effondre, et la Russie s’est rétablie depuis. Mais les USA ?… Pour gagner la guerre froide, ils ont lancé dans les années 1970 un libéralisme de guerre où les pauvres seront sacrifiés. Nous appelons ça le « néo-libéralisme » ou « l’ultralibéralisme ».
Parfois, la guerre oblige de sacrifier les plus faibles : Vercingétorix assiégé à Alésia, poussé dans ses retranchements, sacrifie les femmes et les enfants en leur interdisant l’accès aux vivres.
Vercingétorix perd la guerre des Gaules, mais les États-Unis gagnent la guerre froide. Pourtant, trente ans plus tard, le néolibéralisme est toujours de mise.
Cette parenthèse, ce mal nécessaire sur un temps restreint, doit se refermer.
L’humanité s’est construite sur la notion de partage, avec la création du langage, le souci des plus jeunes et des plus faibles d’une façon générale, l’encouragement de la diversité pour multiplier les points de vue dont la pluralité est utile en cas de crise pour trouver des idées pour s’en sortir. Le sacrifice des pauvres ou des plus faibles ne peut donc que relever d’une période anormale, la plus brève possible.
 
Je termine cette présentation des 75 dernières années de notre histoire…
Et Charlotte me regarde pour me dire : « Donc je ne suis pas obligée de bouffer les autres pour vivre. »
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23 septembre 2020 3 23 /09 /septembre /2020 08:00

Un jeune étudiant, un de ceux surpris d'avoir eu son bac, s'étonne de voir que je connais des dates historiques que lui n'arrive pas à apprendre (ni mémoriser, ni comprendre).
- Mais comment faites-vous ?
- Je pars du principe que bien sûr je vais mémoriser ce que j'entends, je lis, je regarde.
- Ah oui, moi c'est le contraire.
- C'est-à-dire ?
- Je pense que je ne vais pas mémoriser ce qui ne m'intéresse pas. Ou que c'est trop à apprendre.
- Cela ne vous intéresse pas, ou bien est-ce une excuse derrière laquelle vous vous retranchez pour ne pas faire l'effort de mémoriser ?...
- Mais mémoriser ça devrait se faire tout seul !
- Vous confondez ici différents sujets : comprendre et mémoriser, enfance et adolescence, cerveau et conscience, entre autres choses.
- Ah bon.
- Mais cela fait déjà un moment que nous travaillons ensemble, ce n'est pas notre premier entretien. Aussi je vais vous livrer un secret. Si je mémorise facilement, c'est que je sais que je ne sais pas, loin de là. Aussi j'ai toujours soif de savoir. Les choses se font toutes seules comme vous dîtes. Si au contraire je mettais en avant toutes mes connaissances, je pourrais être suffisant. Dans ce cas, comment apprendre quelque chose de nouveau quand on pense déjà tout savoir ? C'est beaucoup plus difficile.
- C'est une blague : comment pouvez-vous croire que vous ne savez pas, vous connaissez déjà tant de choses.
- Non, c'est très sérieux. Plus on connait de choses, plus on s'aperçoit qu'il y a encore tout un monde à découvrir et explorer, tant de choses à inventer et à faire, tant d'actions à mener, tant de gens à rencontrer. Cela permet de garder l'esprit frais. Au contraire, croire que l'on sait, c'est s'enfermer dans son savoir, le cloisonner et le laisser croupir, s'isoler du monde, vivre dans la suffisance de soi. Et quand le monde frappe à notre porte, il le fait toujours, nous sommes bien embêtés d'être obligé d'ouvrir notre porte ou notre fenêtre sur l'extérieur. Nous devons alors déployer une énergie immense pour accepter que nous devons apprendre. Et cet apprentissage nous demandera beaucoup d'énergie.
- C'est aussi simple que cela.
- Oui, l'attitude d'esprit donne le ton, et le reste suit. Si vous vous imaginez au-dessus de tout, apprendre quoi que ce soit vous oblige à vous baisser. Si au contraire vous imaginez la connaissance plus grande que vous, vous n'avez qu'à vous tenir debout sous elle pour la comprendre : elle coule de source, elle tombe comme une pluie de printemps sur une terre assoiffée. En anglais d'ailleurs comprendre, c'est se tenir debout -- stand -- dessous -- under : understand.
- Je vais y réfléchir...

Ce jeune illustre un des défauts de sa génération : la suffisance. Comment admettre son ignorance ou sa faiblesse quand une cour d'amis vous admire sur les réseaux sociaux ?... Quand il suffit de cliquer pour trouver une erreur dans le discours d'un prof ?
C'est le même défaut en dialogue pédagogique : si nous croyons tout savoir de l'autre, qu'apprendrons-nous de lui ?... Si au contraire nous admettons notre inévitable ignorance, notre écoute sera guidée par ses paroles. Sa cohérence interne nous apparaîtra avec toujours plus de clarté sans les ornières de nos préjugés.

Frédéric Rava-Reny

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8 mai 2020 5 08 /05 /mai /2020 08:00

Nathan, douze ans, s'interroge sur l'allemand. Apprendre une fois encore des choses absurdes risque d'être la fois de trop. Mais qu'est-ce donc que tous ces cas à apprendre, le nominatif, l'accusatif, etc. ?...
Retrouvons un peu de sens, car, contrairement à ce que nous croyons souvent, ce que nous apprenons est loin d'être insensé contrairement aux apparences.

Apprendre une langue, c'est apprendre un autre point de vue sur le monde : cela rafraîchit l'esprit car cela nous sort de nos évidences.

L'allemand (sans majuscule à allemand donc je parle de quelque chose, ici, de la langue ; si je voulais parler d'un être, je mettrai une majuscule : l'Allemand), l'allemand va se poser cinq questions face à une situation.

La première : on se repose ou non ?
Il y a plein d'autres façons de la dire. C
'est un point de vue statique ou dynamique ? Envisage-t-on les choses comme si elles bougeaient ou comme si elles ne bougeaient pas ? Un appareil photo suffit ou une vidéo est nécessaire ?

Si c'est un point de vue statique, en grammaire on dit qu'il y a un verbe d'état.
Si c'est un point de vue dynamique, en grammaire on dit qu'il y a un verbe d'action.

 

Examinons le point de vue dynamique. Les quatre autres questions correspondent à chaque cas. Elles sont simples car si une langue était trop difficile, personne ne pourrait la parler ! Et les enfants n'arriveraient pas à l'apprendre, elle finirait par disparaître.

Donc, quatre questions simples (je n'ai pas dit faciles, j'ai dit simples).
Pour savoir à quel cas est un nom, etc.

Première question : est-ce l'acteur principal ?
Oui : c'est au nominatif.
Non : deuxième question.

Deuxième question : est-ce que ça pourrait le devenir ?
Oui : accusatif.
Non : troisième question.

Troisième question : est-ce qu'on fait ça pour ou contre lui ?
Oui : datif.
Non : quatrième question.

Quatrième question : est-ce qu'on parle de lui ?
Oui : génitif.
Non : il y a une erreur quelque part...

Nathan est très content : finalement, il y aurait bien du sens à trouver, et ça change tout.

Je lui donne quelques phrases pour s'entraîner.
L'une d'entre elles pour exemple :
Pierre écrit une lettre à Paul dans le salon.

Pierre : est-ce l'acteur principal ? Oui. Au nominatif.

Une lettre : est-ce l'acteur principal ? Non.
Est-ce que ça pourrait le devenir ? Oui : Une lettre est écrite par Pierre. Une lettre (à Paul) est écrite dans le salon par Pierre. Donc, une lettre, accusatif (en français on dirait COD !).

à Paul : est-ce l'acteur principal ? Non. Pourrait-il le devenir ? Non (À Paul, Pierre écrit une lettre dans le salon. C'est la même scène.)
Est-ce qu'on fait ça pour ou contre lui ou elle ? Oui. Datif : à Paul est au datif.

dans le salon : est-ce l'acteur principal ? Non. Pourrait-il le devenir ? Non. Est-ce qu'on le fait pour ou contre lui ? Non. Est-ce qu'on parle de lui ? Oui. Génitif.

 

Voilà, cela n'explique pas tout, cela ne fait pas tout, mais cela redonne du sens, et du coup une lueur d'espoir...

 

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10 avril 2018 2 10 /04 /avril /2018 09:00

Voici un exemple d’utilisation d’une méthode utilisable par les élèves, leurs parents, les accompagnants, les enseignants, pour commencer l’étude d’un texte et en parler.

C’est une méthode en quatre étapes, que nous pourrions appeler COSA, pour Cadrage, Objectivité, Subjectivité, Action.

 

Quel que soit son âge, l’élève lit le texte quatre fois, en quatre étapes donc. On recherche à chaque étape des éléments précis dont on dresse une liste.

Lors de la première étape, le cadrage, on recherche quels mots permettent de savoir où et quand se passe le récit.

Lors de la seconde étape, l’objectivité, on recherche tous les éléments du texte se rapportant aux univers sensoriels : visuel, sonore, tactile, gustatif, olfactif.

Lors de la troisième étape, la subjectivité, on recherche les émotions ou les idées présentes dans le document.

La quatrième étape, l’action, recherche ce que font les choses ou les êtres.

 

Voici un exemple avec une poésie tombée au bac français en 2012.

 

L'Enterrement

Je ne sais rien de gai comme un enterrement !
Le fossoyeur qui chante et sa pioche qui brille,
La cloche, au loin, dans l'air, lançant son svelte trille1,
Le prêtre en blanc surplis2, qui prie allègrement,

L'enfant de cœur avec sa voix fraîche de fille,
Et quand, au fond du trou, bien chaud, douillettement,
S'installe le cercueil, le mol éboulement
De la terre, édredon du défunt, heureux drille3,

Tout cela me paraît charmant, en vérité !
Et puis tout rondelets, sous leur frac4 écourté,
Les croque-morts au nez rougi par les pourboires,

Et puis les beaux discours concis, mais pleins de sens,
Et puis, cœurs élargis, fronts où flotte une gloire,
Les héritiers resplendissants !

Paul Verlaine, Poèmes saturniens, 1866

 

1 Trille : note musicale, sonorité qui se prolonge.
2 Surplis : vêtement à manches larges que les prêtres portent sur la soutane.
3 Drille : homme jovial.
4 Frac : habit noir de cérémonie.

 

Première étape – Cadrage (espace-temps)

se passe ce poème ? Dans un cimetière.

Quels éléments du texte nous permettent de le dire ? Bien que le terme « cimetière » soit absent, nous pouvons le deviner rapidement grâce au titre, « L'enterrement », repris dans le premier vers, et « Le fossoyeur », au second vers. Mais est-ce un cimetière catholique, protestant, juif, musulman ? « La cloche », « Le prêtre en blanc surplis », « l’enfant de cœur » permettent de savoir qu’il s’agit d’un cimetière catholique. Le poète décrivant la scène suggère que nous sommes en France, ou tout au moins en Europe.

Quand se passe ce poème ?

Avec « Tout cela me paraît charmant », l’auteur nous fait savoir qu’il assiste à la scène ou que l’action lui est contemporaine. On peut la dater d’avant 1866, date de publication du poème, ou d’une façon plus large, dans la seconde moitié du XIXe siècle.

 

Seconde étape – Objectivité (les univers sensoriels)

Recherchons les termes qui donnent à voir, comme ceux décrivant l’univers chromatique (les couleurs, valeurs...).

Nous trouvons « brille », qui indique un reflet métallique, « blanc » pour le surplis du prêtre, « rougi » pour le nez des croque-morts, « resplendissants » qui est au sens propre un terme indiquant la luminosité.

Il y a des couleurs suggérés par certains mots mais qui ne sont pas dites explicitement, comme le noir avec « au fond du trou » et « frac ». Nous reviendrons plus loin sur le contraste entre les couleurs dites et celles passées sous silence.

Pour l’univers sonore, nous avons « le fossoyeur qui chante », « la cloche » et son « trille », « le prêtre » qui « prie », la « voix […] de fille » de « l’enfant de cœur », les « discours concis » : chant, prière, voix, discours et son de cloche remplissent l’espace sonore.

Pour l’univers olfactif, peut-être que « les croque-morts au nez rougi par les pourboires » apportent l’odeur du vin par leur haleine chargée dans l’alcool bu avec les pourboires et qui rougissent leur nez.

Pour l’univers gustatif, seul le terme « pourboire » pourrait suggérer une boisson alcoolisée.

Pour l’univers tactile, nous relevons « fraîche », « chaud », « douillettement », « mol », « éboulement » qui donne une touche de rugosité atténuée par l’adjectif « mol », « édredon », « rondelets », et si nous ajoutons le ressenti corporel, nous avons également « svelte » et « élargis ».

 

Troisième étape – Subjectivité (émotions, idées, sensations)

« gai », « allègrement », « heureux », « drille », « charmant » racontent une émotion de joie, comme « cœurs élargis ».

« beaux » parle de l’idée la beauté, et nous trouvons un sentiment de fierté avec les mots « gloire » et « resplendissants ».

 

Quatrième étape – Action (actions des êtres ou des choses)

Le fossoyeur chante, et sans que le texte le dise de façon explicite, nous pouvons supposer raisonnablement qu’il manie la « pioche qui brille » pour creuser le trou.

La cloche sonne. Le prêtre prie, accompagné par l’enfant de cœur. Les croque-morts s’affairent autour du cercueil. Les héritiers, et peut-être aussi les amis du défunt, font de « beaux discours concis, plein de sens ».

 

Nous avons effectué les quatre étapes. Nous avons pu les faire grâce à notre connaissance du vocabulaire. Cela nous permet d’avoir déjà une idée, une compréhension du poème. Nous pouvons alors exprimer nos idées, nos émotions, nos sensations face à ce texte.

Jusqu’ici, nous n’avons utilisé aucune connaissance grammaticale ou technique du français. Nous pouvons toujours le faire, ou nous pouvons toujours rechercher les corrections standards disponibles, celle que peut donner un enseignant, celle que l’on trouve sur internet, et on s’apercevra que nos quatre étapes permettent de mieux comprendre ces corrections.

 

Je vais maintenant apporter une touche d’analyse grammaticale, dans la suite de celle reprise de Georges Galichet et travaillée avec les concepts que j’ai élaboré à partir de la théorie d’un de mes maîtres et amis, Antoine de La Garanderie.

 

Reprenons les quatre étapes.

La scène se passe dans un cimetière, mais ce terme lui-même n’est pas utilisé par l’auteur. À la place, il mentionne un « enterrement » et un « fossoyeur ». Recherchons les catégories grammaticales de ces mots. Ce sont bien des noms, mais alors que « cimetière » est un nom d’endroit, « enterrement » est un nom d’action et « fossoyeur » un nom d’acteur.

L’auteur a donc préféré deux éléments dynamiques, action et acteur, à un élément statique, endroit, pour nous permettre de situer le récit dans l’espace. Nous pourrions y voir la trace de la tournure de pensée du poète qui a toujours eu un faible pour une vie de bohème, mais cela serait peut-être exagéré. Nous pouvons noter cependant un premier antagonisme : au lieu de parler directement d’un endroit désignant l’absence éternelle de mouvement – le cimetière – l’auteur choisit de le cacher pour mettre en avant deux termes dynamiques.

Le poème ne donne aucune indication temporelle : ni la saison, ni l’année ne peuvent être deviner. L’action est simplement contemporaine à l’auteur, autour de 1866, date de publication du poème. En ne donnant aucune indication explicite de date, on est autorisé à croire que l’action peut se dérouler n’importe quand. Cela aide à donner l’impression d’une description hors du temps, d’une relation (le fait de relater, dire) d’un fait général voire une vérité absolue.

 

L’univers visuel raconté met en lumière le reflet métallique, les couleurs blanche et rouge, mais cache la couleur noire derrière d’autre mots. Nous retrouvons ici un second antagonisme.

L’univers tactile regorge de contrastes : le mot « fraîche » s’oppose à « chaud », le mot « éboulement » contraste avec « mol », le mot « rondelets » qui décrit une horizontalité s’oppose à la verticalité de « frac écourté », comme « svelte » contraste avec « élargis ».

Notons au passage le choix du terme « éboulement », plus dynamique que le statique « éboulis ».

L’univers olfactif compte un contraste sous-entendu : les croque-morts qui devraient avoir une haleine fétide – à croquer le gros orteil du défunt pour s’assurer qu’il est bien mort – se retrouvent à exhaler le vin rouge.

 

Ces antagonismes se prolongent au niveau émotionnel : nous voici au cimetière, lors d’un enterrement, et au lieu de rencontrer de la tristesse, de la peine ou des sentiments sombres, l’auteur nous donne des mots joyeux, de la beauté et de la lumière. Même le « défunt » devient un « heureux drille ».

 

Et le choix du dynamisme entamé avec le choix de noms d’actions au détriment d’un nom d’endroit se retrouve lors des actions : chaque personne fait quelque chose, et même les choses mentionnées comme la pioche ou la cloche sont également en mouvement.

 

L’auteur joue ainsi à cache-cache, en occultant certaines choses évidentes, comme le caractère statique du repos éternel, la couleur noire ou la tristesse, et en mettant en avant des éléments plus profonds : le dynamisme de l’enterrement, les couleurs étincelantes et la gaieté.

 

Cette analyse du texte n’a fait appel qu’à nos connaissances de vocabulaire et de grammaire. Même si on n’a pas relevé que la terre chaude recouvrait le cercueil comme une couverture douillette sur le mort, on aura relevé suffisamment d’éléments pour d’une part expliquer le texte, et d’autre part souligner qu’il y a de nombreux contrastes.

Lorsque le professeur de français racontera l’intention (présumée) de l’auteur de condamner la morale sociale comme une façade, une apparence, nous aurons des éléments pour étayer cette affirmation.

Lorsque nous apprendrons que c’est un sonnet, une forme de poésie destinée à parler d’amour ou de sentiments, nous y verrons mieux un autre clin d’œil de Verlaine à jouer avec les contrastes.

Et lorsque nous saurons que les deux quatrains de la première moitié du sonnet forment des rimes embrassées, nous sourirons de voir un autre clin d’œil du poète car nous nous souviendrons qu’en se refermant sur elles-mêmes, les rimes embrassées procurent un sentiment d’espace qui tout embrasse.

Mais tout ceci, c’est si nous avons suivi en français !... Ce qui n’est pas nécessaire pour effectuer les quatre premières étapes. Alors n’hésitez plus, parcourez vos textes à la recherche de leur lieu et leur moment, de leurs sensorialités, de leurs idées, émotions ou sensations, et de leurs actions.

Action !

 

 

 

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3 avril 2018 2 03 /04 /avril /2018 16:00

À la fin du collège ou au lycée, quand on explique un texte à l’aide des « figures de style », il ne suffit pas d’étaler sa science en utilisant des mots compliqués comme « anaphore », « assonance » ou « allitération », il faut en plus expliquer à quoi servent ces procédés. Le minimum est de dire qu’il y a une répétition, d’un même mot pour une anaphore, d’une même voyelle pour une assonance et d’une même consonne pour une allitération. Pourquoi y a-t-il répétition ? Peut-être tout simplement pour insister, mettre en relief, persuader...

Mais comment expliquer ce que font certaines « figures de style » comme le chiasme par exemple ?...
Prenons un exemple classique, pris des Plaideurs de Racine : « Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. » et revenons à la démarche habituelle, identifier la nature de chaque mot – la catégorie grammaticale – et sa fonction, avant d’aller plus loin.
Dans cette phrase, « rit » est un verbe, comme « pleurera », et sert de groupe verbal. Quant à « vendredi » et « dimanche » ce sont des noms, qui complètent le verbe en précisant à quel moment se passe l’action, des « compléments circonstanciels de temps » si vous préférez....
« Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera » contient ainsi l’ordre : verbe, complément, complément, verbe.
Il y a une inversion : un chiasme. Avec cette figure de style, l’énoncé se referme ainsi sur lui-même et donne l’idée de quelque chose de complet, sans rien d’intéressant au dehors. Cela permet de donner l’apparence d’une vérité générale.

C’est la même chose avec les rimes embrassées et les rimes croisées.
Les rimes sont croisées quand elles alternent deux par deux, sous la forme A, B, A, B. Cela donne l’impression d’une liste sans fin, d’une énumération incomplète dont on a commencé le début sans la terminer.
Les rimes sont embrassées quand l’une encadre l’autre, sous la forme A, B, B, A. Cela donne l’impression d’un cadre, d’un ensemble, d’un stabilité.

Mes élèves auront reconnu la notion d’espace et celle de temps...

En résumé, pour identifier certaines figures de style, puis les expliquer, il est important de :
- repérer la catégorie grammaticale des mots (grille de neuf) ;
- repérer leur fonction ;
- trouver ce qui se passe dans le texte : répétition, ajout, utilisation de contraires, interruption, transfert... (grille de seize) ;
- identifier la figure de style ;
- découvrir ce qu'elle produit au niveau de la pensée.
Et bien sûr tout partager grâce au pouvoir de l’encre sur le papier !...

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13 septembre 2017 3 13 /09 /septembre /2017 17:00
Choisir un sport, c'est élargir sa famille

À l'occasion de la journée du patrimoine, le Bordeaux Etudiants Club BEC-Escrime, ouvre les portes de sa salle d'armes 53 rue Pauline Kergomard, à l'architecture insolite. Cela vaut le coup d’œil. Il y aura également, entre 10 h et 18 h, des démonstrations d'escrime.

De quoi voir si cette activité sportive vous convient. Et cela tombe bien, c'est le début de l'année scolaire.
De nombreux clubs sportifs proposent une journée porte ouverte, ou une activité de découverte. C'est l'occasion de découvrir ce qui pourrait nous permettre de rejoindre une famille de plus.

Pourquoi une famille de plus ?
C'est que nous appartenons à différents groupes, plus nombreux et plus vaste notre âge grandissant (enseignement du geste de compréhension avec la notion de double respect ou double allégeance). Pratiquer un sport, et pratiquer un sport à un bon niveau, c'est appartenir à une famille internationale. C'est la même chose pour les jeux à haut niveau : être un bon joueur d'échecs vous ouvre les portes de la grande famille des pratiquants par delà les frontières.

Et hormis les bénéfices en terme de santé physique, le sport nous aide aussi dans l'apprentissage et l'estime de soi. Comment ? C'est que nous allons forcément perdre. Et nous allons nous remettre. Nous nous relèverons et nous recommencerons. Jusqu'à la victoire, au moins sur notre croyance erronée en notre toute-puissance. Ainsi nous gagnons en confiance et en estime de soi. Et nous hésiterons moins à nous tromper, et comme l'erreur est indispensable pour apprendre, nous apprendrons mieux.

Alors n'hésitez plus, trouver un sport adapté pour vous ou votre enfant !

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20 mai 2016 5 20 /05 /mai /2016 10:03

Au-delà de la synthèse : les quatre paramètres

Pour comprendre quelque chose, cela nous aide de savoir ce que c'est et ce que cela n'est pas, de disposer d'exemples et de contre-exemples. C'est le stade de la thèse et de l'antithèse.
Nous pouvons rester sur une vision binaire, dichotomique.
Le piège est de croire qu'il y a les gentils d'un côté et les méchants de l'autre, le bien et le mal, la vérité et le mensonge. Cela nous apporte certes un réconfort psychologique (nous sommes toujours du bon côté et nos ennemis du mauvais), un critère de choix face à l'action (car il faut faire ou s'abstenir, mais pas tergiverser), mais nous prive d'une subtilité utile face aux situations de l'existence.

Nous pouvons alors franchir une étape décisive dans notre évolution : élaborer une synthèse entre la thèse et l'antithèse, réaliser que le monde ne se résume pas à "blanc" ou "noir" mais qu'il y a des nuances. Nous faisons dialoguer le "oui" de la thèse et le "non" de l'antithèse pour faire émerger un "peut-être" de la synthèse : nous établissons ce qui se nomme une relation dialectique.

La dialectique permet de faire exister ensemble ce qui semble contradictoire. C'est une innovation majeure dans la pensée humaine.

Mais nous pouvons prolonger cette trilogie thèse-antithèse-synthèse par une tétralogie, illustrée en gestion mentale par les quatre paramètres (tétralogie, du grec -logie : parole qui apporte une information, et tétra : quatre).

Pour arriver d'un désaccord premier entre deux personnes, l'une défendant une thèse et l'autre son contraire, l'antithèse, à un accord, nous pouvons utiliser la synthèse qui montre dans quelles circonstances (où, quand...) chacune des positions des protagonistes est valable. Nous pouvons même aller au-delà de la synthèse pour arriver aux quatre paramètres.

Nous pouvons alors montrer que chaque personne appuie sa façon de voir le sujet sur :

- du concret (paramètre 1), qui peut s'illustrer de trois façons différentes ;
- ou une convention (paramètre 2), qui peut s'illustrer de deux façons différentes ;
- ou une logique (paramètre 3), qui peut s'illustrer de dix façons différentes ;

- ou une opération élaborée (paramètre 4, métaphore, humour, lien personnel), qui peut s'illustrer de trois façons différentes.

Il devient alors plus facile d'atteindre une harmonie des différents points de vues lorsque l'on comprend que chacun correspond à un point de vue (P1, P2, P3, P4) visible d'une porte différente (P1, P2, P3, P4) ouverte sur le monde.

Ces quatre paramètres sont une étape supplémentaire dans le cheminement qui part de la dualité thèse-antithèse et qui arrive à la trilogie thèse-antithèse-synthèse. L'étape suivante est la découverte des cinq gestes mentaux de base qui apporte des subtilités supplémentaires.

Ceux qui résument la "gestion mentale" à la dualité visuel-auditif ne sont donc même pas aller jusqu'au stade de la synthèse (une compétence pourtant exigée au niveau lycée...), n'ont rien compris aux paramètres ou aux gestes. Mais il faut bien qu'ils s'occupent...

Frédéric Rava

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25 février 2016 4 25 /02 /février /2016 06:52

Pour répondre aux demandes des stagiaires d'une formation plus pratique et plus rapide que celles existant déjà, j'ai élaboré il y a des années la formation "Découvrir sa gestion mentale". Sur deux jours, chaque stagiaire explore comment être attentif, mémoriser et comprendre, et comment il peut renouer avec sa créativité avec des moyens simples accessibles à tous.

Les activités proposées permettent notamment de découvrir :

  • comment soutenir son niveau d'attention et de concentration,
  • ce que veulent dire les termes de "visuel" et de "auditif",
  • comment ils peuvent s'appliquer à chacun de nous,
  • comment nous pouvons éventuellement mettre du son dans nos images, ou ajouter des images à nos discours intérieurs,
  • si nous mémorisons de la même façon par les yeux ou les oreilles,
  • notre façon efficace de mémoriser,
  • une façon spontanée de comprendre,
  • pourquoi il est difficile d'apprendre et comment rendre cela plus facile.

Les deux jours de formation permettent aussi pour un coût raisonnable (100 euros) d'avoir une idée de ce que propose la gestion mentale, sans avoir besoin de faire une formation plus longue (et beaucoup plus onéreuse).

Ces deux jours peuvent se poursuivre par la formation "Connaître les bases de la pensée en mouvement"©, qui apporte avec la théorie un éclairage plus complet.

La formation de formateurs (mise en place depuis Bordeaux en 2014) permet aux futurs formateurs d'animer ces deux jours de formation.

Les prochaines formations "Découvrir sa gestion mentale" auront lieu

- à Bordeaux les 13 et 20 mars prochains ;

- en Émilie-Romagne les 15 et 16 avril prochains.

L'association IFeP les organise aussi sur demande partout en France, Belgique, Suisse et Italie, en français, anglais et italien.

Pour nous contacter : 06 05 29 43 05

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27 avril 2015 1 27 /04 /avril /2015 10:00

Pour se faire comprendre, ou comprendre, on commence par dire ça se passe (en ville, à la campagne, dans quel pays, dans quel continent...), quand ça se passe (le jour ou la nuit, la saison, l'époque...).
Que voit-on ? On précise la couleur, la taille, la forme...
Qu'entend-on ? On précise le volume, le rythme...

On peut donc dresser un tableau à plusieurs colonnes, et avec des lignes indiquant les époques, les continents et disposer ainsi de renseignements qui nous aideront à comprendre un texte (ou se faire plus rapidement comprendre).

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22 décembre 2014 1 22 /12 /décembre /2014 11:02

Mémoriser quelque chose, c'est se donner l'opportunité de le laisser murir en nous à la lumière de notre compréhension et de notre réflexion.

Mémoriser une image diffère de mémoriser un texte me dit le jeune Thomas.
Il expose ses idées.
L'image offre un ensemble immédiat, tandis qu'un texte s'offre au fur et à mesure.
Paradoxalement, à chaque regard de cet ensemble immédiat, on collecte des informations supplémentaires, des détails, de nouveaux objets de plus en plus fin. Comme si chaque contact avec l'image nous donnait un morceau du puzzle... et que nous avions à en collecter un très grand nombre.
Tout est donné dans l'espace et du coup nous le saisissons dans le temps.

Le texte lui est toujours le même. Très vite, nous l'avons en entier.
Et pourtant nous pouvons le lire et le relire.
Et nous verrons alors apparaître une trame, une structure, des liens invisibles de prime abord.
Ce ne sont pas des objets supplémentaires que nous collectons ou mettons en évidence, ce sont des relations.
Tout est donné dans le temps et du coup nous le saisissons dans l'espace.


Une fois ce petit prélude au sens de la mémorisation effectué, comment mémoriser un poème.
Thomas aime bien commencer par comprendre plutôt que mémoriser.
Comme c'est un pratiquant aguerri, je lui donne un poème difficile... parce que justement il est difficile à comprendre d'abord.
Après trois lectures... la compréhension est faible.
Nous ne pourrons donc nous appuyer dessus pour mémoriser.
Donc, que faire ?...
Simple, comme d'habitude, si c'est bloqué d'un côté, on essaie de l'autre (l'avantage en gestion mentale, c'est que l'on connaît les différents côtés !).
Alors, Thomas commence par mémoriser la première strophe.
En se donnant des images visuelles concrètes des mots. Et ça marche assez bien.
Sauf qu'au bout de la troisième strophe, ça commence à faire un peu trop d'images (à l'intérieur).
Alors, application du 2ème secret, on alterne, intérieur et extérieur.
En clair, Thomas dessine, pour lui, les images qu'il s'est données en évocation.
Effectivement, ça marche bien.
Quatre strophes en 10 minutes, pour un poème de Cocteau... c'est pas mal, surtout que Thomas pensait qu'il lui faudrait BEAUCOUP plus de temps.

En fait, nous avons parcouru le chemin inverse de l'écriture. De la parole, nous sommes passés à l'écriture alphabétique, et ensuite à la représentation imagée...

Et la compréhension dans tout ça ?...
Eh bien, comme par enchantement... une fois les premières strophes mémorisées, soudain Thomas s'exclame : « Mais ça veut dire ça ! »
En rendant la pensée plus dense avec la mémorisation, la compréhension s'est fait jour.

Double révélation donc, pour comprendre, on peut aussi commencer par mémoriser...

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