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23 septembre 2020 3 23 /09 /septembre /2020 08:00

Un jeune étudiant, un de ceux surpris d'avoir eu son bac, s'étonne de voir que je connais des dates historiques que lui n'arrive pas à apprendre (ni mémoriser, ni comprendre).
- Mais comment faites-vous ?
- Je pars du principe que bien sûr je vais mémoriser ce que j'entends, je lis, je regarde.
- Ah oui, moi c'est le contraire.
- C'est-à-dire ?
- Je pense que je ne vais pas mémoriser ce qui ne m'intéresse pas. Ou que c'est trop à apprendre.
- Cela ne vous intéresse pas, ou bien est-ce une excuse derrière laquelle vous vous retranchez pour ne pas faire l'effort de mémoriser ?...
- Mais mémoriser ça devrait se faire tout seul !
- Vous confondez ici différents sujets : comprendre et mémoriser, enfance et adolescence, cerveau et conscience, entre autres choses.
- Ah bon.
- Mais cela fait déjà un moment que nous travaillons ensemble, ce n'est pas notre premier entretien. Aussi je vais vous livrer un secret. Si je mémorise facilement, c'est que je sais que je ne sais pas, loin de là. Aussi j'ai toujours soif de savoir. Les choses se font toutes seules comme vous dîtes. Si au contraire je mettais en avant toutes mes connaissances, je pourrais être suffisant. Dans ce cas, comment apprendre quelque chose de nouveau quand on pense déjà tout savoir ? C'est beaucoup plus difficile.
- C'est une blague : comment pouvez-vous croire que vous ne savez pas, vous connaissez déjà tant de choses.
- Non, c'est très sérieux. Plus on connait de choses, plus on s'aperçoit qu'il y a encore tout un monde à découvrir et explorer, tant de choses à inventer et à faire, tant d'actions à mener, tant de gens à rencontrer. Cela permet de garder l'esprit frais. Au contraire, croire que l'on sait, c'est s'enfermer dans son savoir, le cloisonner et le laisser croupir, s'isoler du monde, vivre dans la suffisance de soi. Et quand le monde frappe à notre porte, il le fait toujours, nous sommes bien embêtés d'être obligé d'ouvrir notre porte ou notre fenêtre sur l'extérieur. Nous devons alors déployer une énergie immense pour accepter que nous devons apprendre. Et cet apprentissage nous demandera beaucoup d'énergie.
- C'est aussi simple que cela.
- Oui, l'attitude d'esprit donne le ton, et le reste suit. Si vous vous imaginez au-dessus de tout, apprendre quoi que ce soit vous oblige à vous baisser. Si au contraire vous imaginez la connaissance plus grande que vous, vous n'avez qu'à vous tenir debout sous elle pour la comprendre : elle coule de source, elle tombe comme une pluie de printemps sur une terre assoiffée. En anglais d'ailleurs comprendre, c'est se tenir debout -- stand -- dessous -- under : understand.
- Je vais y réfléchir...

Ce jeune illustre un des défauts de sa génération : la suffisance. Comment admettre son ignorance ou sa faiblesse quand une cour d'amis vous admire sur les réseaux sociaux ?... Quand il suffit de cliquer pour trouver une erreur dans le discours d'un prof ?
C'est le même défaut en dialogue pédagogique : si nous croyons tout savoir de l'autre, qu'apprendrons-nous de lui ?... Si au contraire nous admettons notre inévitable ignorance, notre écoute sera guidée par ses paroles. Sa cohérence interne nous apparaîtra avec toujours plus de clarté sans les ornières de nos préjugés.

Frédéric Rava-Reny

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12 octobre 2018 5 12 /10 /octobre /2018 08:00

Nous pouvons attendre de nous réveiller un jour avec une motivation qui nous permettra d'aller en cours ou d'affronter les situations pénibles de la journée. Mais nous risquons attendre longtemps.

 

Pourquoi ?

 

Parce que dans une attente passive, le temps passe comme le train que regardent les vaches, sans les emmener en voyage vers de plus verts pâturages.
Une des racines profondes de la démotivation est la passivité, la croyance que non, nous ne pouvons rien faire, rien à rien. Or nous pouvons agir. Bien sûr, nous ne pouvons pas contrôler l'océan, mais cela n'empêche pas de prendre la mer et d'arriver à bon port. Nous ne pourrons pas changer la vie, mais nous disposons de suffisamment de capacités pour diriger notre vie.
Des films comme Le fabuleux destin d'Amélie Poulain illustrent cette possibilité de changer le cours des choses malgré une vie « banale ». Amélie Poulain pourrait sombrer dans la morosité du quotidien, céder à la tentation de se laisser aller et laisser agir les méchants à leur guise. Or elle n'en fait rien. Elle agit et change non pas l'univers mais le cours des choses, la vie des êtres qui l'entourent et en retour la sienne même.
Comme le disait Wang Yangming, un des quatre grands maîtres du confucianisme : « Agir est facile. »

 

Mais comment agir, comment en entretien sortir de cette passivité ?
Voici trois pistes.

 

Tout d'abord, distinguer « cerveau » et « conscience ». Pourquoi ? Si nous sommes le jouet de notre cerveau, nous retombons dans une passivité du style : « Je n'y peux rien, c'est mon cerveau ! » Tout devient alors inéluctable. Or c'est faux, le cerveau, organe plastique, est sensible à nos pensées qui le modèlent. Comme la poule et l’œuf qui s'engendrent mutuellement, notre cerveau est la base biologique de nos pensées qui en retour l'influencent. Ainsi, non seulement nous aurons notre mot à dire, mais le dernier mot.

 

Puis, comprendre que le temps de l'enfance est révolu, cette période d'insouciance (pour nous) où notre cerveau ou nos parents se souciaient de tout pour nous à notre place. Nous sommes devenus grands, au moins pour notre cerveau qui attend des instructions. En l'absence desquelles il tombe en déshérence. Pour comprendre corporellement cette situation, appuyez sur l'accélérateur de votre voiture ou pédalez à toute allure, et soudain arrêtez d'accélérer et de toucher votre volant ou votre guidon. Votre voiture ou votre vélo continue d'avancer, tandis que vous voilà réduit à une passivité totale. Il manque de votre part impulsion et orientation. Nous pouvons ainsi nous sentir démotivés tout simplement par oubli de notre part de responsabilité : c'est à nous d'orienter le cours de notre vie, en la prenant en mains.

 

Enfin, découvrir les trois éléments indispensables à toute activité réussie. Pour cela je donne trois activités. Je commence toujours par une activité de réussite (certains préfèrent commencer par faire vivre une situation d'échec à leurs élèves ou leurs stagiaires, histoire de bien montrer qui est le maître - je les laisse à l'inconscience de leurs actes). La personne ayant réussi une activité, elle dispose d'un matériel mental qu'elle a elle-même élaboré et que nous explorons ensemble. Je propose ensuite une activité où elle n'a pas de matériel mental à sa disposition, et où elle est donc condamnée à échouer. Ces deux activités, l'une réussie et l'autre non, permet d'établir une comparaison et de rechercher les conditions du succès. C'est bien l'activité mentale, la passivité engendrant inéluctablement l'échec. Nous terminons par une troisième activité, du style "test d'attention". Je montre ainsi le troisième élément indispensable à toute réussite : l'objectif.
Et il se trouve que c'est à chacun de nous de se fixer ses propres objectifs...

 

La passivité se nourrit d'une méconnaissance de la conscience, de la responsabilité que nous avons à la développer, des moyens de la faire grandir. Cette ignorance engendre la démotivation. Une connaissance plus grande de ses ressources conscientes et du rôle que nous avons à jouer dans notre propre vie alimente la motivation. Qu'attendons-nous pour agir maintenant que nous savons que faire ?...

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29 mai 2018 2 29 /05 /mai /2018 13:00

Extrait de dialogue entre un jeune collégien et moi-même.
- Je ne peux pas être attentif à ce cours, cela ne m'intéresse pas.
- Oui et alors ?
- Eh bien on ne peut pas être attentif à quelque chose qui ne nous intéresse pas.
- Ah bon ?...
- Ben oui.
- Mais comment sais-tu que quelque chose ne t'intéresse pas si tu ne la connais pas ?
- Je la connais déjà, je sais que cela ne m'intéresse pas.
- La première fois que tu l'as rencontrée, savais-tu que c'était inintéressant ?
- Non puisque je ne la connaissais pas encore.
- Donc pour la connaître tu as été obligé d'y être attentif.
- Oui, c'est vrai.
- Et ensuite, mais ensuite seulement, tu t'es rendu compte que cela ne t'intéressait pas.
- C'est ça.
- Donc tu as été attentif d'abord et ensuite tu n'as pas été intéressé.
- Oui.
- Donc l'attention est toujours avant l'intérêt, ou le désintérêt. Pour savoir si quelque chose est intéressant ou non, nous devons d'abord y prêter attention. Par contre, tu as raison, lorsque quelque chose nous intéresse, cela permet de soutenir notre attention.
Comme c'est beaucoup plus facile d'être attentif à quelque chose qui nous intéresse, nous avons l'impression que l'intérêt arrive en premier, alors que c'est toujours l'attention.

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28 mai 2018 1 28 /05 /mai /2018 11:00

L'ennui en cours peut venir de nombreux facteurs.
Pour le combattre, nous pouvons utiliser l'intérêt. Peut-être avez-vous remarqué que lorsque quelque chose nous intéresse, nous en avons beaucoup de souvenirs. L'intérêt engendre un grand nombre de souvenirs. Cela marche aussi dans l'autre sens : un grand nombre de souvenirs génère de l'intérêt. C'est comme un cycle, bien naturel pour une pensée en mouvement (geste mental = pensée en mouvement).
Par exemple, lorsque nous commençons à apprendre une langue étrangère, comme l'anglais, nous connaissons peu sur cette langue : nous avons peu de souvenirs en stock qui nous permettraient de comprendre cette langue. Du coup, si nous écoutons une discussion en anglais, assez rapidement, cela devient ennuyeux car nous n'y comprenons rien.
Par contre, en apprenant davantage de vocabulaire et de grammaire, donc en fabriquant des souvenirs, nous pouvons suivre plus longtemps la discussion qui, comme par enchantement, devient plus intéressante, moins ennuyeuse.

En résumé : plus on fabrique de souvenirs, moins on s'ennuie. Et moins on fabrique de souvenirs, plus on s'ennuie.

Fabriquer des souvenirs est donc souverain pour lutter contre l'ennui. C'est le premier travail de l'élève.

Mais comment fabriquer des souvenirs ?... Il y a au moins une trentaine de façons répertoriées, s'appuyant sur les éléments de base de la pensée. À chacun d'en faire une collection pour survivre en classe dans toutes les situations.

Ou presque. Car il y a une situation terrible : celle où le professeur submerge d'informations l'élève et l'empêche ainsi de fabriquer des souvenirs !
Par exemple, ces enseignants qui parlent du début jusqu'à la fin du cours aussi vite qu'une mitraillette tire ses balles. Les malheureux élèves doivent écrire à un rythme infernal, sans avoir le temps de penser un instant à ce qu'ils transcrivent... Que faire dans ce cas-là ?... La marge de manœuvre est très réduite.
Il faudrait déjà bien connaître le cours afin de comprendre ce que l'enseignant montre ou raconte et en fabriquer un souvenir durable. Cela nécessite un sérieux entraînement que la plupart des classes n'ont pas. Ou de récupérer le cours avant pour suivre plus facilement : les manuels peuvent aider.
Dans l'immédiat, avec ce genre de professeurs, l'ennui est inévitable ou presque. Une échappatoire rapide existe : ne pas avoir à noter le cours et essayer de comprendre.
Autrement, il faut s'entraîner à fabriquer des souvenirs plus rapidement : augmenter sa mémoire, déployer sa compréhension, afin de capter le maximum d'informations en cours. Mais comme tout entraînement, cela prend du temps.

Parce qu'il est impossible d'y fabriquer des souvenirs, ces cours resteront ennuyeux.

Mais dans toutes les autres situations, il y a des solutions plus simples !... Nous les verrons une autre fois.

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7 mars 2018 3 07 /03 /mars /2018 16:00

Pour être attentif, il faut donner une direction à sa pensée (un projet) et mener une action. L’action consiste à se fabriquer un souvenir (évoquer). On peut évoquer de façon concrète (en P1), conventionnelle (en P2), logique (en P3) ou personnelle (en P4), et bien sûr un mélange de ces quatre façons dans des proportions personnelles.

Fabriquer des souvenirs en P4, c’est faire des associations personnelles – ce que La Garanderie nommait des opérations élaborées. Le souci, à l’école, c’est que cette touche personnelle n’est pas forcément bien vue : de l’humour, des métaphores, cela peut sembler comme un manque de sérieux. Aussi, par auto-censure, ou suite à des remarques désobligeantes des enseignants, l’élève va cesser de se fabriquer ces souvenirs personnels. Le nombre de souvenirs diminuant, l’attention diminuera aussi, et surtout l’intérêt. Le cours va devenir fade, jusqu’à tomber dans la dépréciation complète, et l’élève dans la dépression scolaire.

Mais qu’est-ce qui dérange dans le P4 ?...

Quand le P4 consiste à prolonger ce qui est donné, cela peut encore passer. L’enseignant montre quelque chose, l’élève va trouver la suite, l’extension : ce prolongement, s’il n’est pas trop original, peut passer et être accepté ou toléré. On dira à l’élève que l’on verra ça plus tard, ailleurs. Au début, l’élève prend son mal en patience : il est encore un enfant, il croit aux promesses des lendemains qui chantent que lui présentent la grande personne qui lui enseigne. Mais souvent, cet espace (ailleurs) et ce temps (plus tard), ne viendront jamais. Ou trop tard, quand le temps de l’attente aura érodé la curiosité de la jeunesse. Et souvent le jeune n’aura jamais dans les années ultérieures de sa scolarité les réponses à ses questions, les fameux « pourquoi ? » de l’enfance ou les « à quoi ça sert ? ». Adolescent, jeune adulte, que voit-il en se regardant dans la glace, sinon l’envers du décor et le côté obscur de la réalité ?... Le monde s’est désenchanté. Certains sombrent ainsi dans le nihilisme (l’univers est privé de sens), d’autres dans le solipsisme (le monde est la projection de ma pensée donc je fais ce que je veux), et une poignée dans un prêt à penser comme les intégrismes et terrorismes de tous ordres. Rien de surprenant que les zombies soient devenues les idoles des jeunes : c’est leur vrai visage, des morts vivants assoiffés de cervelle, métaphore sombre des êtres avides de sens (cervelle fraîche) aux rêves brisés (morts) qu’ils sont devenus (vivants malgré tout).

Et cela, rien qu’avec la version la plus acceptable socialement du P4, le prolongement. Qu’en est-il donc des deux autres ?...

Quand le P4 consiste à trouver une alternative à ce qui est proposé, à détourner ce qui est présenté, là, le représentant de la loi (P2) que représente le professeur peut se fâcher plus rapidement.

On ne dira plus de la personne qu’elle est inventive, mais qu’elle est excentrique, pas qu’elle est originale, mais qu’elle outrepasse les limites, qu’elle jette les germes de la contestation dans la classe. L’élève bien sûr ne comprend pas, car c’est juste ça façon de penser le cours, d’y être présent, d’être attentif. L’enseignant ou le parent gagnerait à être plus attentionné face à cette forme d’attention. Que le jeune indique un contre-exemple n’est pas la marque d’une contestation, mais d’une intégration personnelle, de son activité intellectuelle véritable.

Et quand le P4 consiste à combiner ce qui est présenté avec d’autres éléments, l’enseignant pourra hurler au bricolage, critiquant amèrement un salmigondis de concepts n’ayant rien à voir ensemble... alors que c’est justement cette combinaison personnelle qui marque le sceau d’une véritable activité cognitive de la personne.

 

Que ce soit par prolongement, par détournement ou par combinatoire, l’humour sera toujours suspect en cours, les apports personnels douteux, les comparaisons lointaines hasardeuses...

Alors l’enfant dont les yeux brillaient en faisant du P4 va commencer à s’éteindre. Il n’apprendra même pas « par cœur » au sens véritable du terme, car quand on met du cœur à l’ouvrage il y a de la joie, il apprendra une convention dénuée de sens, donc un arbitraire. Surtout il ne faut plus chercher à comprendre quoi que ce soit, c’est ainsi, voilà tout.

Voilà comment tout un pan de notre jeunesse s’éteint sur les bancs de l’école, et qu’au lieu de développer la capacité de choix, vitale pour nos démocraties, nous apprenons à notre jeunesse à obéir sans pensée, faisant le lit de toutes les violences.

Il est plus que temps de redonner sa place à l’humour, à la métaphore, à la quatrième porte de la pensée que La Garanderie avait nommé « paramètre 4 » : enrichissons nos cours et nos vies des prolongements, des mutations, des alliances entre les concepts, entre les choses et enfin entre les êtres. Il en va de la vie même de nos sociétés. L’humour, c’est très sérieux.

Frédéric Rava-Reny

 


Enseignant-chercheur en sciences cognitives à l’IFeP – Initiatives et Formations en Pédagogies – émanation européenne de l’IF, association fondée par Antoine de La Garanderie en 1978.
Son axe de recherche est l’hypothèse de l’existence d’un noyau central commun à toutes les disciplines – scientifiques, littéraires, sportives, techniques et artistiques.
Dans le cadre de son étude menée depuis 1983, l’alternance enseignement-recherche, terrain et théorie, dans ces différentes disciplines lui a permis d’éprouver la validité de ses découvertes.
 

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13 mai 2016 5 13 /05 /mai /2016 08:30

Mon enfant marche à l'affectif. Et si c'était quelque chose de mieux ?...

« Mon enfant marche à l'affect. Quand il a des profs qu'il aime bien / qui l'aiment bien, il n'y a aucune difficulté. » Suffirait-il d'aimer ses profs pour réussir à apprendre ?... Suffirait-il à être gentil avec ses élèves pour les voir réussir ?... Nous avons tous des raisons d'en douter.

Avec un peu d'expérience, nous nous rendons compte qu'il ne suffit pas d'aimer les gens pour faire leur bonheur. Sinon, la voie vers l'enfer ne serait pas pavée de bonnes intentions.

Avec un peu de connaissance, nous nous rendons compte également que si la composante affective existe en nous, elle n'est pas la seule...

Pourtant nous observons bien qu'un climat chaleureux est propice à l'apprentissage. Que de nombreux élèves progressent, parfois de façon remarquable, avec des enseignants accueillants, tandis que d'autres élèves, parfois les mêmes, régressent, de façon spectaculaire, avec d"autres enseignants, souvent qualifiés de "rigides, "froids", "tranchants"... Pourtant ces enseignants font leur travail : ils illustrent l'importance de la rigueur, des connaissances acquises, du par cœur... Mais, fait étrange, plus un enseignant préconise le par cœur, plus il risque d'apparaître comme un enseignant sans cœur...

D'aucuns pourraient dire que l'objectif du cours n'est pas d'être aimé de ses élèves ; ils ont raison. Être aimé de ses élèves n'est pas un effet recherché, c'est un effet induit, un bonus si vous préférez. C'est une conséquence annexe d'une pratique pédagogique, pas son but principal (qui demeure la réussite de tous les élèves, à savoir la possibilité de progresser en toute conscience).

Si nous restons au niveau des explications affectives, nous ne sortirons pas de ce fait : un élève travaillera davantage dans une matière où il aime son prof que dans une matière où il n'aime pas son prof. Alors cherchons ailleurs un éclaircissement, pour nous, au niveau cognitif.

Partons de notre expérience : spontanément, nous préférons ce que nous comprenons à ce que nous ne comprenons pas. Traduit en terme de gestion mentale, cela pourrait donner, j'aime mieux ce que j'arrive à évoquer que ce que je n'arrive pas à évoquer. J'apprécierai ainsi davantage un enseignant qui me permet d'évoquer qu'un enseignant qui ne me le permet pas. Ainsi, quand un parent dit : « Mon enfant aime ce prof. » cela pourrait se traduire par « Cet enseignant permet à mon enfant d'intérioriser ce qu'il doit savoir, cela lui permet de réussir ou de sentir qu'il progresse, en conséquence, il apprécie ce professeur. »

Dit comme ça, cela semble facile. Comme on connaît l'existence des images mentales visuelles et auditives depuis le milieu du XIXe siècle (oui, dix-neuvième siècle !), de très nombreux professeurs devraient réussir à aider les élèves à apprendre en leur donnant à voir et à entendre. Or, ils le font déjà. Et ça ne marche pas.

Aurait-on oublié quelque chose ?...
Peut-être la même chose que nous avons oublié dans Les profils pédagogiques, l'ouvrage fondateur de la "gestion mentale" publié en 1980 par Antoine de La Garanderie.
Quoi donc ?
La notion d'évocation ? Certes, cette notion fonde et caractérise cette discipline nouvelle, nommée "gestion mentale" par l'Éducation nationale. Mais elle prolonge et se distingue de la notion "d'image mentale", avec laquelle elle fut confondue : on redonna ainsi aux élèves du visuel et de l'auditif avec le même constat que celui de la fin du dix-neuvième, cela ne marche pas.
Alors quoi ?
La notion de paramètres. En formation, j'appelle aussi les paramètres des portes, des palais, des pattes, des ports... selon l'usage recherché. La Garanderie montre l'existence de quatre paramètres, notés P1, P2, P3, P4.
Ce sont les quatre références de base que nous pouvons donner à toute pensée. Une pensée peut relever du concret (P1), d'une convention (P2), d'opérations complexes comme la logique (P3), d'opérations élaborées comme les liens personnels, la métaphore, l'humour (P4).

Pour apprendre, nous avons besoin de ces quatre paramètres.
Lorsqu'un enseignant, ou n'importe quelle personne, nous permet de penser en utilisant ces quatre paramètres, nous pouvons tout faire, et cela nous donne un sentiment de gratitude envers cette personne.

Un "prof que j'aime bien" me permet en tant qu'élève de :
1. penser à des choses concrètes, des personnes, des choses, des situations de la vie ;
2. penser à des choses conventionnelles comme des définitions, des mots, des nombres ;
3. faire des opérations complexes avec ma pensée ou mon corps : de la logique, des relations de cause à effet, des relations d'appartenance, des comparaisons logiques, analogiques, étymologique... ;
4. faire des opérations élaborées comme des liens personnels (prolongements, détournements, agencement...), des métaphores, de l'humour...

Comme je peux utiliser n'importe quel domaine de ma pensée voire tous, je peux progresser quelle que soit ma façon de faire... Du coup, j'aime ce prof ! Ou il m'aime bien.

Si par contre dans un cours je ne peux que faire du par cœur, je suis obligé de n'utiliser que du P2, quelque chose de conventionnel, qui privé de sens devient arbitraire. Je me coupe des trois autres palais de la pensée (P1, P3, P4).

Quand je peux utiliser chacune des quatre portes, je peux être attentif en P1, en P2, en P3, en P4... donc une puissance d'attention quadruplée ! Je peux mémoriser en P1, en P2, en P3, en P4... donc mémoriser quatre fois plus ! Je peux comprendre en P1, en P2, en P3, en P4... donc comprendre quatre fois mieux ! Je peux réfléchir en P1, en P2, en P3, en P4... donc réfléchir de façon quatre fois plus utile ! Je peux imaginer en P1, en P2, en P3, en P4... donc imaginer de façon quatre fois plus créative !...

Et cela, ce n'est que la façon de base... car je montre en formation comment rediviser les paramètres en deux ce qui donne 8 possibilités, et aussi encore d'une autre façon qui aboutit à 18 possibilités... De quoi rendre l'enseignement tellement attrayant... D'où l'affect décrit par les parents...

À quoi sert ce détour par les paramètres ?...
Si nous restons sur l'explication affective qu'un élève travaille parce qu'il aime son prof, pour améliorer l'enseignement, cela rend les choses difficiles ou infaisables.
Si nous cherchons au niveau cognitif, nous pouvons trouver, comme nous venons d'essayer de le montrer, que lorsqu'un professeur permet à l'élève de penser librement, le plaisir d'apprendre est présent. Et comment peut-il le faire ? En utilisant, par exemple, les quatre portes de la pensée (par exemple car il y a encore d'autres possibilités de base avec l'objectif, les deux présentations, les trois postures, les cinq gestes, les six modes d'expression et les sept niveaux de l'échelle de compréhension). La différence avec l'explication affective, c'est que nous pouvons présenter ou travailler un cours avec ces quatre portes. L'expérience est donc reproductible, pour la plus grande joie des élèves, de leurs parents et des enseignants.

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En résumé, si nous observons ce qu'est un enseignant apprécié de ses élèves, nous trouvons très souvent une personne qui permet aux apprenants d'évoquer dans n'importe lequel des quatre paramètres ou portes de la pensée (concret, conventionnel, opérations complexes, opérations élaborées). Cette liberté de pensée nourrit le plaisir d'apprendre. En ne s'adressant qu'à une seule porte sur quatre, très souvent P2, le conventionnel, le par cœur ou les définitions, nous coupons les élèves d'un accès au savoir. C'est dommage pour eux et pour la société entière, à savoir nous tous. En utilisant les quatre portes de la pensée, sachons retrouver les quatre prospérités : celle du concret (P1), de la convention (P2), de la logique (P3) et de l'humour (P4) !

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11 mai 2015 1 11 /05 /mai /2015 10:00

Un article du New York Times du 4 novembre 2014 attire notre attention sur les risques à positiver. Tom Brady, l'auteur de l'article Not enough work, too much positive thinking, signale que sans stress, nous pouvons mourir d'ennui. Au sens propre ! Travailler peu serait aussi néfaste à la santé que travailler trop selon de récentes études. Le professeur de psychologie Paul E. Spector, de l'Université South Florida affirme que travailler peu peut provoquer des tensions musculaires, des maux de tête et à l'estomac... comme trop de travail quoi !
De même, dans une étude publiée en 2014, dirigée par le James Danckert, professeur de neurosciences au Canada, dans le journal Experimental Brain Research, faire regarder un film ennuyeux (des hommes étendant du linge) est plus stressant que de suivre un film triste. Terrible pour nos élèves quand on pense à certains de leurs cours... Comme disait Voltaire, tous les genres sont bons hors le genre ennuyeux...

Quant aux rêveurs, Gabriele Oettingen, professeur de psychologie à l'université de Hambourg, ils dépensent leur énergie inutilement car ils pensent déjà avoir obtenu leur résultat et manquent ainsi de punch pour atteindre leur objectif.

Cela confirme ce que nous préconisons dans la pratique du majeur : penser que l'on peut y arriver, oui, c'est une fin, mais pour réaliser notre but, nous devons aussi évoquer les moyens, et la situation dans laquelle nous sommes présentement, afin de planifier les étapes, sans relâcher nos efforts prématurément.

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